« Dans une série antérieure de dessins plus évidés, le découpage de la ligne était une façon de la rendre concrète, plus concrète en tout cas qu’en la traçant sur une simple feuille de papier. La ligne acquérait ainsi une présence autonome dans l’espace. Tracer une ligne est toujours pour moi un acte de partage, de découpe d’un espace, comme l’a bien montré Fontana dans ses toiles lacérées. Une ligne tracée sur du papier fait naître une partie droite et une partie gauche si elle verticale, un haut et un bas si elle est horizontale. C’est la base. Mondrian s’en est tenu là à partir d’une certaine époque. Mais tout en ne perdant pas de vue cette structure fondamentale, je m’autorise toutes les combinaisons possibles de lignes à condition que je ne les invente pas et que je ne fasse que les extraire du réel, la réalité étant toujours plus étonnante que la fiction.
Les dessins découpés appartenant à la série actuelle se présentent souvent plutôt comme des surfaces. La ligne se limite alors au contour. Elle souligne la forme, la fait reconnaître. Les thèmes ou sujets sont très divers. Ils représentent en fait tout ce que j’ai envie de saisir, de capturer par le dessin. Mais quels que soient leurs sujets, toutes ces images ou plutôt ces formes sont soumises au même traitement : découpage de leur contour, couleur unie, sans détails intérieurs.
On peut toutefois les classer en deux catégories. Celles qui sont tout de suite reconnaissables et j’aime dans ce cas m’emparer de sujets très stéréotypés que chacun a en tête. Une pendule XVIIIème équivaut alors à une pin up sur une moto parce que j’ai la même envie de me les approprier et de les restituer visuellement « à l’état brut » pour montrer finalement le raffinement et la sensualité qu’elles ont en commun. Celles qui créent un doute et qui se présentent comme des scènes dont on ne peut pas toujours reconnaître précisément le sujet. Ce sont plutôt des formes de ce genre qui m’ont été demandées aujourd’hui. Pour qu’elles restent aussi efficaces que possible, je préfère ne pas leur donner de titre, ni les commenter. »
Sylvain Lecombre
Contacter Sylvain Lecombre : sylvain.lecombre@paris.fr
(note de l’éditeur : les dessins-coupures de Sylvain Lecombe (tous noirs) ont été posés sur un fond blanc, puis photographiés. Les photos ont été traitées pour leur édition sur ce site : couleurs, effets d’ombrages etc. sont de notre fait.)